dimanche 15 septembre 2013

Baguettes chinoises de XINRAN

Kobo, 15/11/2011, 350 pages.
Lu du 7 au 15 septembre 2013.


« Je vais leur montrer, moi, à tous ces villageois, qui est une baguette et qui est une poutre ! ». C’est ce cri qui a donné envie à Xinran d’écrire cette histoire. Celle, lumineuse, chaleureuse, émouvante, de trois sœurs qui décident de fuir leur campagne et le mépris des autres, pour chercher fortune dans la grande ville. Sœurs Trois, Cinq et Six n’ont guère fait d’études, mais il y a une chose qu’on leur a apprise : leur mère est une ratée car elle n’a pas enfanté de fils, et elles-mêmes ne méritent qu’un numéro pour prénom. Les femmes, leur répète leur père, sont comme des baguettes : utilitaires et jetables. Les hommes, eux, sont les poutres solides qui soutiennent le toit d’une maison. Mais quand les trois sœurs quittent leur foyer pour chercher du travail à Nankin, leurs yeux s’ouvrent sur un monde totalement nouveau : les buildings et les livres, le trafic automobile, la liberté de mœurs et la sophistication des habitants… Trois, Cinq et Six vont faire la preuve de leur détermination et de leurs talents, et quand l’argent va arriver au village, leur père sera bien obligé de réviser sa vision du monde. C’est du cœur de la Chine que nous parle Xinran. De ces femmes qui luttent pour conquérir une place au soleil. De Nankin, sa ville natale, dont elle nous fait voir les vieilles douves ombragées de saules, savourer les plaisirs culinaires et la langue truculente de ses habitants. Et d’un pays, une Chine que nous découvrons par les yeux vifs et ingénus des trois sœurs, et qui nous étonne et nous passionne car nous ne l’avions jamais vue ainsi.

Mon avis : En Chine, la naissance d'un garçon est accueilli comme un grand événement, on en parle comme d'une "poutre" qui, aussi fort et fiable que le morceau de bois, est capable de faire tenir l'ensemble de la maison. Au contraire, les petites filles sont pour le meilleur des cas (la plupart sont tout simplement tuée à la naissance) considérées comme de simples "baguettes". Dans la famille que nous présente l'auteur, aucun garçon mais pas moins de six filles, simplement nommées par leur numéro d'arrivée. Échec écrasant du père, elles tentent malgré tout de subvenir aux besoins de la famille. Jusqu'au jour où l'un d'elles, Trois, s'enfuient pour éviter un mariage forcé. Elle découvre alors un nouveau monde : la ville, Nankin. Les codes y sont bien différents de son modeste village. La position des femmes y est bien meilleure et tout s'agite à tout va. Rejointe par ses deux sœurs, chacune va découvrir par le biais de son nouveau "travail" des facettes de ce drôle de mode de vie.
Bien au-delà d'une simple description de ce choc culturel, Xinran dresse un curieux portrait d'une Chine partagée entre poids des traditions et volonté de modernité. Si la plupart des civilisations modernes ont déjà vécu et vivent encore ce passage d'une ère à une autre, la Chine n'est est qu'aux prémisses.
On s'attache volontiers à ces trois sœurs qui, de leur regard innocent, bouleversent à leur tour le monde qui les entoure. Un récit romancé qui met des mots sur des faits, sur des maux.



Avec cette auteure, je valide la lettre X de ce challenge :


Xinran est née à Pékin, elle est donc chinoise.




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